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25 juillet 2012 3 25 /07 /juillet /2012 16:49

A l'intention des adeptes du tourisme culturel en Camping-car, THE BOOK EDITIONS publient un nouvel ouvrage de Jacques B. Fourré : "France ma Belle, Ballades en Camping-car" qui propose sous forme d'un road-book documenté une visite en détaiol de la France par les petites routes au travers de ma ints bourgs et villages peu connus des guides touristiques mais pleins de charmes et souvent de surprises. Bonne lecture et bonne route !

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14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 13:24

http://www.thebookeditio http://www.thebookedition.com/images/bannieres/banniere-v-79060.jpeg n.com/stats_banniere.php?action=clic&id=79060"><img src="" border="0" alt="Le livre La lettre à Shere Khane"></a><img src="http://www.thebookedition.com/stats_banniere.php?action=affichage&id=79060" width="0" height="0">

Bannières pour "La lettre à Shere Khane
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11 mai 2012 5 11 /05 /mai /2012 22:35

J'avais publié une note concernant la republication de mon roman "Comme un vol d'éphémères" en e-Book aux éditions du Syllabaire. Eh bien j'ai récidivé, mais cette fois, édition papier ou e-Book au choix avec un nouveau roman : "La lettre à Shere Khane" chez The Book Edition (http://thebookedition.com/).

Pour l'instant, j'ai un lecteur ; c'est honorable ! Est-Ce suffisant ? Je m'interroge...

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28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 22:10

El Milagro

 

 

Le ciel était d’un bleu crispant ; odieux. Il ne pouvait pas faire un temps plus radieux. Je m’étais précipitée vers la terrasse, l’ultime baiser échangé et je demeurais là étreignant la main courante de la balustrade, cherchant à les deviner au sein de la cohorte montant vers le super-constellation de la TWA dont déjà les hélices tournaient.

Des avions, il y en avait plein le ciel d’Orly qui s’envolaient, qui se posaient, mais seul celui tout près, là, sur le tarmac, m’intéressait.

Les gens de maintenance ont débloqué les roues durant que se fermait la porte puis ils ont fait rouler l’échelle de coupée et le grand oiseau, si beau, s’est ébranlé et a entreprit de cheminer vers le seuil de piste.

Je me sentais presque en dyspnée quand a éclaté le vacarme des moteurs soudain lancés à pleine puissance. Il a roulé de plus en plus vite sur la piste puis d’un bond vigoureux s’est enlevé, le nez tendu vers le ciel et à replié sous lui toutes ses roues devenues inutiles.

Voila, ma fille Julia (il va me falloir penser à prononcer « Rulia »), est partie. Comme c’est simple, comme c’est bête ; et je me sens castrée !

Avec elle, mon gendre J(R)ulio et ma petite fille J(R)ulietta volent aussi. Cette famille est emplie d’originalité !

Et, comme Monsieur l’ex ministre, mon mari tout aussi « ex » est parti depuis bien longtemps courir une gueuse mieux maquillée que moi, je me trouve soudain seule, d’une écrasante solitude. Mais quelle idée d’aller épouser un Vénézuelien !

 

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Me voila revenue chez moi, un trois pièces standing avenue Montaigne. Loyer très élevé, mais je m’en moque, grâce à la prévoyance de mon père qui avait des éclairs d’intelligence entre deux beuveries, je suis propriétaire. Pas de jalousie, je vous prie, ce fut une découverte post-mortem, je n’ai rien fait pour cela, ni d’ailleurs pour être cocue et délaissée très jeune. D’autres, même plus laides que moi se seraient recasées... « Jeune femme mince, cultivée, plutôt jolie, possédant appartement et avoirs cherche homme sérieux, propre sur lui, même profil pour entrer en relation amicale et plus si affinités »! Pouah, j’ai donné ; aucun homme, jamais, n’entrera plus dans ma vie, dans mon lit, fut-ce pour une heure. En plus, je trouve, j’ai trouvé que « le petit plaisir » c’était vraiment très petit. Il y en a qui disent que non ; j’ai du tirer un mauvais ticket.

Mais j’ai Julia ; j’avais. La merveille des merveilles ; c’est Mon opinion et je ne saurais en accepter d’autres. Elle est belle, jeune (24 ans), intelligente, avocate et hélas licenciée d’espagnol, musicienne, mariée (c’est moins bien), maman d’un bébé de six mois qui lui ressemble, qui nous ressemble...

Tout de même l’Amérique du Sud me reste un peu en travers de la gorge et ne passera sûrement pas avec une seule tasse de thé. D’ailleurs, ne devrais-je pas me mettre dès à présent au maté en le buvant dans une calebasse avec une bombilla, pour la couleur locale !

D’accord, Julio est beau, typé noble hidalgo viril, instruit, sérieux et danse la salsa « como un verdadero hombre de la menor »

. C’est un planteur avec une belle hacienda et des kilomètres carrés de terres cultivées dans le bassin de l’Orénoque. Contrairement à nombre de ses pairs, il approuve totalement la réforme agraire profonde menée par son pays et s’efforce de pousser la productivité (beaucoup de tournesol) et d’en faire profiter son personnel d’exploitation. Il parait même qu’il voterait pour Chavez ! Un traitre, un renégat !

N'empêche que s’il n’était pas venu parachever des études en France, on n’en serait pas là. Mais enfin, c’est vrai, pourquoi il n’est pas allé en Espagne.

Car enfin, si elle était vraiment attirée par les oléagineux, il y a en France, un peu partout, quantité de cultivateurs de tournesol, biens de leur personne ! Même en Picardie ; ce qui n’est pas si loin de Paris.

Bon, ce qui est fait est fait. Peut-être bien qu’un de ces jours, je vais me découvrir comme une envie de visiter l’Amérique Latine ; allez savoir ! Espera que yo, querida, yo puedo.

 

 

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Le thé m’endort ; à moins que ce ne soit la télévision que j’avais machinalement allumée, mon ultime et indiscrète compagne ; il y en a que les deux excitent ! (Je devrais peut-être me trouver un chat, un beau tigré de gouttières pedigree toitures parisiennes). Une odeur de chat (puissante) dans mon appartement : réfléchir !

Une musique brutale m’a tirée de ma somnolence ; je m’ébroue : c’est un flash infos télé qui interrompt la série policière en cours de diffusion : ... « Nous venons d’être informés qu’une catastrophe aérienne viendrait de se produire au-dessus de l’Atlantique Nord. Un long courrier de la TWA, vol xxx à destination de New-York aurait brusquement connu de graves difficultés mécaniques aux deux tiers de son parcours. Les communications radio avec le commandant de bord qui avait lancé un SOS ont été brutalement coupées et on suppose que l’appareil s’est abimé en mer. Nous reviendrons à l’antenne dès que nous aurons de nouveaux détails »...

Exsangue, j’ai jailli de mon fauteuil comme un diable de boite de farces et attrapes. Non, pitié !

Vous avez-dit, j’ai bien entendu : New York ; pas Caracas. Merci Dieu que j’ignore ; merci quand même. Mon souffle revient, le sang aussi. Voila maintenant le téléphone qui sonne. Qui peut bien m’appeler ? J’ai le combiné à l’oreille... Madame Latifunda, mes hommages et mes respects, Madame, je suis Hubert de Basligne, chargé de communications au ministère des transports. Ce style ampoulé, mes enfants ; jamais ils n’oublieront que je suis une épouse de ministre, divorce ou pas et qu’on doit s’adresser à moi avec déférence ; indifférence mais déférence. Madame peut-être avez-vous eu connaissance d’une information télévisée relative à un possible accident aérien survenu sur un vol de la Cie TWA. Il apparaitrait, sous toutes réserves de vérifications en cours que vous aviez de la famille à bord. (Dieu, voila mon sang qui reflue à nouveau ; may day, may day, help, save our souls, ... _ _ _ ... !) Mais non, monsieur, j’ai bien ma fille et sa famille sur un vol TWA mais pas pour New-York, pour Caracas... - J’entends bien, Madame, j’entends bien, mais il s’agit du même avion destination New-York, Miami, Caracas , je suis sincèrement désolé. Plus d’un tiers des passagers se trouve être de nationalité française et notre ministère met dès à présent en place une cellule de crise. Si je puis me permettre, je vous envoie une voiture du ministère et Monsieur le Ministre se fera un devoir de vous accueillir personnellement dès votre arrivée. Pouvez-vous me confirmer votre adresse précise. Merci infiniment ; Madame.

Ma fille peut mourir, je reste à part ; femme de ministre, à vie !

 

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Me voici dans un salon du ministère. Le ministre (mais comment diable s’appelle-t-il celui-là) est plein d’attention bienveillante pour moi, tout en ronds de jambe et en formule du plus délicat français grand siècle. Et nous ne sommes qu’aux Transports ; qu’est-ce que cela doit être au Quai ! il tente de me rassurer :- Nous n’avons ma chère amie (chère amie mon c... Oui) aucune précision quant à la gravité de ce regrettable accident. Le pilote a déclaré que l’appareil privé de deux moteurs, une explosion semble-t-il, et d’un morceau d’aile, perdait rapidement de l’altitude, qu’il allait tenter de le stabiliser dans les couches basses épaisses de l’atmosphère et a pu donner une position très précise avant l’interruption des communications. La Navy a aussitôt dépêché vers le point relevé une frégate rapide, deux hydravions des gardes-côtes et deux hélicoptères de l’air rescue. Tous les navires à proximité ont été déroutés sur zone. Les avions devraient y être d’un moment à l’autre. Il nous faut attendre et espérer. Onctueux, qu’il est. Tartuffe ; ta fille, ta petite fille, ton gendre même Vénézuélien ne sont pas à bord.

 

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Je ne sais trop dans quel hôtel historique est installé le ministère des transports, mais on peut penser que cet homme et son staff vivent bien et dirais-je luxueusement. Le décor est très dix-huitième siècle : trumeaux, parquets Versailles, plafonds à caissons peints de délicieuses scènes champêtres avec nymphes habillement peu voilées, des ors assombris, des tableaux de maîtres et les habituels meubles et sièges « d’époque » dont il semble que le Mobilier National ait un stock inépuisable. Combien diable d’hôtels et de châteaux la révolution a-t-elle vidés pour constituer ce stock ?

Devant de hautes fenêtres on a installé de façon totalement anachronique des tables en aluminium et des batteries de téléphones et d’écrans et d'impeccables secrétaires casquées de micro-téléphones semblent s’affairer dans une transe hystérique. Une grande télé murale est muette et éteinte.
Plus loin un attaché au visage plein de compréhension émue, derrière un bureau marqué « Informations, Réception du public » surchargé de listes, de dossiers et d’une longue corbeille où viennent sans cesse s’empiler de nouvelles notes, échange des propos avec un homme austère qu’il appèle docteur ; un psy sans doute pour les familles affolées qui vont finir par se pointer.

Et puis il y a moi, moi toute seule avec un pauvre visage de mère courage dont la bouche tremble. Un filet de mauvaise sueur me coule lentement le long de la colonne vertébrale et je serre les fesses pour mieux contrôler mes sphincters tellement j’ai peur. Comme un bateau en papier sur une mer démontée je navigue au près dans un immense canapé Louis XV tapissé gobelins qui vue sa taille a du demander plusieurs années de travail au lissier.

Trois personnes, nez dans leur mouchoir, viennent d’entrer dans le salon, timides et impressionnées par le décor. Un huissier à chaîne bien français, prestance et bedon noble leur a apporté des chaises (en plastique !). Monsieur bons offices leur sourit tristement ce qui demande un long apprentissage et compulse des listes (qui datent d’on ne sait quand, celle d’aujourd’hui sont vides, pour l’instant. Faux, l’une est pleine, c’est celle des quatre-vingt passagers fournie par TWA.

De temps en temps, mon ministre très affairé passe en coup de vent, me fait un sourire contraint en secouant négativement la tête.

 

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Ahurissant, je suis morte de trouille, sans illusions, désespérée au plus profond de moi... Et je me suis endormie i On dit que la douleur morale au paroxysme peut avoir de ces effets-là ; bonhomme cerveau s’évade, se réfugie dans un monde hors d’atteinte.

C’est le son d’une voix claire qui m’a fait sursauter. L’écran mural est allumé et il y a au moins trente personnes qui semblent hypnotisée par lui.

A l’image on voit une jolie blonde en ciré jaune d’or et coiffure en chignon, appuyée à ce qui ressemble à un bastingage ce que confirme un vitrage de dunette en arrière plan, tout gris, et la vaste mer moutonnant tout autour.

La voix porte : ... / ... Ici Mae West, (il faut le faire), Associated Press qui vous parle depuis la passerelle de la frégate « Arizona » de l’US Navy, dépêchée dés l’annonce du drame vers le lieu probable où le super-constellation de la TWA a amerri. (Parce que quand on se crash on amerri) ! - Le commandant à donné l’ordre de tirer des machines toute la puissance possible et c’est à près de quarante nœuds que nous glissons sur l’Océan. Nous devrions être sur site dans environ trois heures. Nous le savons, c’est très long et désespérant pour tous ceux qui s’angoissent. Nous tenons à leur dire notre fraternel soutien. Cependant, une colonne de deux hydravions et trois hélicoptères dont celui de notre frégate nous précède et devrait avoir un visuel d’ici très peu de temps. Nous allons très régulièrement vous tenir au courant de l’évolution de cette dramatique situation. Ici Mae West pour Associated Press. Et l’écran s’est éteint...

 

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Je me sens épuisée, sans forces ; personne ne me verra pleurer, je n’en suis plus capable ; les ressorts sont brisés.

Mais j’ai du m’endormir encore car maintenant le salon est empli de gens et tous les lustres allumés. Près du standard il y a un groupe caractéristique d’hommes en costumes cravate sombre, des officiels qui entourent le ministre. Ils ont tous des liasses de papiers à la main qu’ils consultent et se montrent sans cesse et leur conversation est animée.

Une seconde le ministre m’a regardée puis m’a fait un sourire ; mais un bon sourire... Un Bon sourire ? Pour la seconde fois de la journée j’ai joué les ressorts ; mais, mais...

Il vient vers moi. Oh ce vertige qui me prend ; dieux et déesses des mers, prenez pitié !

Il prend ma main, me fait un clin d’œil : - Ils sont vivants...

L’écran se rallume et l’autre recommence à laïusser puis la caméra la quitte, prend de la hauteur et nous montre la mer avec posé dessus un gros avion entouré de canots pleins de gens et trois navires et les hydravions posés tout près..

Mais je n’y suis pas, je ne le voit pas. L’affreuse, l’abominable nouvelle m’avait laissée inondée tout à la fois par une peur morbide et une colère froide, meurtrière, galvanisée pour faire face à cette monstruosité. J’étais Némésis toutes voiles déployées pour faire payer à tous dans un réflexe de rage vengeresse le prix des décombres sous lesquels on m’ensevelissait.

A l’opposé, je n’ai pas supporté l’annonce du miracle !

Sitôt assimilés les mots du ministre, un rictus qui n’était pas encore sourire m’a sculpté le visage ; j’ai levé un bras, sans doute triomphal et... Suis entrée en catalepsie. J’y suis toujours !

Tout d’abord dans la foule présente et horriblement bruyante tout est passé inaperçu puis on s’est étonné face à cette statue d’affreuse gorgone, puis inquiété, alarmé. On a tenté de me parler, de faire bouger mon bras. Essayez de faire plier un membre tétanisé tendu par une force inconnue et extrême qui émet des craquements de rupture... Me faire marcher ? Impossible ; même mon regard était immobile et fixe.

C’est sur un brancard, bras tendu vers le ciel comme un blasphème et dans une ambulance que j’ai quitté les salons du ministère.

 

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Je suis maintenant allongée dans un lit d’hôpital avec une perfusion branchée au poignet (c’est une manie chez ses gens là dés qu’ils réceptionnent quelqu'un). Mon état demeure inchangé mais étrangement, je vois et entends tout ce qui se fait et dit autour de moi. Bon, c’est relatif puisque je ne peut bouger ni la tête ni les yeux ; mais suffisant.Il y a un homme qu’on nomme professeur, blouse blanche, visage responsable et préoccupé, plus de cinquante ans, distingué. Trois fois il a prononcé l’expression : accès soudain de schizophrénie due à un brutal traumatisme cérébral. Schizophrène toi-même !

Résumons de manière lapidaire : L’avion de ma fille tombe à l’eau ; elle se noie. Non elle est rescapée, son homme, son bébé aussi ; je meurs !

Ils ont tous quitté ma chambre. J’ai l’air d’une vraie gourde avec mon bras rigidement pointé vers le plafond. On m’a branchée sur toute une batterie d’appareils qui clignotent et émettent des bip pour prouver que je suis toujours vivante. Une aide soignante dans un fauteuil compulse sans conviction une sorte de polar tout en veillant ma précieuse personne.

J’entend mon cœur battre, le moniteur aussi. C’est d’un régulier consternant. Mais signifie que mon cerveau est irrigué. Je n’ai aucune raison de mourir et les miens sont vivants. Est-ce que je ne sentirais pas en moi comme un début d’euphorie ?

Aïe ; dieu que ça fait mal. Je dois décongeler ! Mon bras s’est abattu d’un coup... Sur la barre protectrice latérale du lit ! Il est cassé, sûr. La chienlit. Ma chambre est à nouveau envahie. Le professeur (il n’a vraiment rien d’autre à faire, celui-là) essaie de me faire bouger le reste du corps, les yeux, avec une mine gourmande. Tintin, rien ne fonctionne. Il a un geste de dépit et clame à la ronde qu’il faudrait tout de même s’occuper de ce p... de bras ! Tout à fait entre-nous, cela me parait un minimum. J’ai fini par comprendre qu’on m’avait amenée au Val de Grâce. Évidemment, l'épouse, ex, d’un ancien ministre (rien à faire pour eux, c’est à vie !). Donc le « Professeur » doit être l’un de ces généraux qui retapent des bidasses aguerris plutôt que les femmes fragiles. Fragiles ? Je t’en dirais bien un mot. De l’époque où je descendait les pistes noires tout schuss !

Ah, on vient de décider de faire une radiographie de mon bras ; logique. Mais ils veulent me véhiculer jusqu’au service idoine ; absurde. Enfin ils n’ont pas d’appareils portatifs ? Tous les services d’urgence en ont. Ah oui, mais je ne suis pas aux urgences ! Allez, comptez-vous trois et en avant petit cheval. Couloirs, ascenseurs, ça pue l'antiseptique et autre chose de désagréable. Sans doute un produit de nettoyage dix fois plus puissant que tous ceux de la télévision. Nous y voila. Dix attendent déjà brandissant attèles et plâtres, pansements et gueules un peu cassées ; on me gare dans un coin : attention, manipuler doucement.

Il y a une jolie fracture ; saloperie d’ostéoporose ! Mais en plus j’ai une superbe et profonde coupure, moi je dirais entaille, au-dessus de l’arcade sourcilière droite. Se sont aperçus qu’ils ne pouvaient pas faire ma radio dans ma limousine, donc trois infirmières plus tard, on m’a soulevée pour me faire glisser sur la table de radio. S’y sont si bien pris qu’ils m’ont cogné la tête contre un angle du bati de la machine. D’accord, d’accord je ne suis pas d’une souplesse extrême, mais enfin.

Je n’étais pas revenue dans ma chambre après passage chez le plâtrier que « Mon Général » pointait vers ma tempe un doigt accusateur en disant : - Mais qu’est-ce que c’est que ça. On lui explique, il lève les bras au ciel et dit d’un ton sans réplique, toujours à la cantonade : - Bon, occupez vous de ça, c’est pas beau, faut lui faire au moins huit points !. Aussitôt un interne veut prendre des dispositions pour me faire transporter vers une salle de petite chirurgie. Ah non, alors. Tiens, mes yeux fonctionnent et je les fait rouler dans tous les sens avec fureur ; du moins j’essaie. Il semble qu’une infirmière m’ait captée correctement : - On doit pouvoir lui faire ça sur place. L’interne griche, toutefois face à une infirmière expérimentée un jeune interne ne fais pas le poids !

C’est parti : désinfectant, teinture d’iode ; je pique, je noue, je coupe... Je pique, je noue, je coupe. ... / ... « Papa pique et maman coud, papa pique et maman coud... / ...

 

Je me sens cabossée et colorée façon Picasso deuxième époque. J’ai la venette, alors je serre les fesses de toutes les forces que je n’ai pas, parce que faudrait pas qu’à l'intérieur ça continue à fonctionner normal. Mon Général serait fichu de leur dire de me mettre un bouchon...

Il faudrait un peu se mettre à ma place, les carabins. Si nous faisons abstraction d’une certaine rigidité (qui débande toujours pas ; je deviens grossière mais ils m’énervent ; oh qu’ils m’énervent !) je suis entrée dans cette pétaudière relativement intacte et voyez où j’en suis. Je veux rentrer chez moi et entendre la voix de Julia au téléphone. Je veux... Ah un borborygme ; ça dégèle, ça dégèle.

Et cela devait arriver, j’ai soudain envie de faire pipi, ce qui prouve que par-là rien n’est gelé. Et je ne peux même pas réclamer un soutien, une aide salutaire. Non, pas lui ; voila le ministre qui vient aux nouvelles. Allez-vous en je vais faire pipi dans le lit toute honte bue. L’autre écoute, une grande ride lui barrant le front, la description en termes incompréhensibles de mon état désastreux. Il a un long regard vers moi et disparait.

Une infirmière, gentille et jolie celle-là a eu un pressentiment et a soulevé mon drap puis m’a sourit l’air navré. Mes ancêtres, pardon ; on ne contrarie pas la nature. Ils m’ont mis une couche. Je me sens humiliée jusqu’au tréfonds de mon être, mais nettement plus sèche, ceci compensant cela.

Mon dégel se poursuit, à un train de sénateur. Désormais, je plie au milieu ; ça leur a permis de m’installer dans un fauteuil roulant. Entre-nous je ne vois guère ce que cela change, mais il semble que cela leur fasse plaisir. Je parviens aussi à émettre quelques borborygmes...

 

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Trois jours ont passé ; je devais vraiment être congelé à cœur, à l’azote liquide, car mes progrès ne se sont pas poursuivis. On m’a fait passer un scanner global bien inutile, un IRM cérébral, un EEG ; ils ont parlé d’une ponction lombaire et j’ai aussitôt fait mes yeux furieux. Mon infirmière interprète a aussitôt dit que cela pouvait sans doute attendre. Celle-là ne doit pas être très aimée des jeunes internes qu’elle prive de leurs cobayes !

Mon Général passe deux fois par jour mais ne me regarde plus tellement il est mécontent de moi. Il est venu une fois avec un neurologue qui lui a assuré qu’au vu de mes divers examens je ne relevais absolument pas de sa spécialité. Ça j’aurais pu le leur dire ; elle est normale mémé, juste un peu débrayée, mais elle peut pas parler...

Voila mignonne nurse qui s’approche avec un gros machin noir à la main. Quoi plus encore ? Ah, il semble que ce soit un banal téléphone. Elle me demande si j’entend ; je palpite des yeux en faisant hin hin. Elle rit et me colle son truc contre l’oreille et j’entend : - Allo, maman, c’est Julia ; il parait que tu as eu un accident. On me dit que cela va s’arranger, mais tu nous a fait peur ! C’est la meilleure, celle-là ; ma fille plonge dans l’Atlantique accompagnée de quatre-vingts personnes avec un gros quadrimoteur et c’est de moi qu’elle s’inquiète ; le bouquet ! L’infirmière lui confie que je l’entend bien mais que temporairement je ne puis répondre. Alors, elle soliloque ; de toutes façons quand elle est lancée elle peut tenir une heure seule à gazouiller gentiment sans attendre aucune réponse !

... Bon, je te quitte, je te rappelle demain, bisous, bisous ; et la voila repartie sur l’autre rive de l’Océan.

 

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Cela fait une semaine que mon Général me garde à sa botte, mais je progresse à nouveau, j’utilise gauchement mes bras et mains ; enfin, un bras, le plâtre de l’autre est tellement lourd que je soulève et laisse aussitôt retomber.

Julia téléphone chaque jour et me gratifie d’un long couplet avant de re-franchir la mare. Elle est dans son hacienda et ne semble pas moralement atteinte par son épopée. Moi, j’ai bien réfléchi, sitôt retrouvée toute mon autonomie, j’achète des actions de la Loockeed Corp. Une entreprise qui construit des avions capables de se vomir de dix mille mètres et de se transformer en Yacht de plaisance, mérite d’être encouragée et de vous payer des dividendes !

 

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Trois semaines de non vie. Mais je vais enfin rentrer chez moi. Mes comportements semblent redevenus à peu près normaux. Il y a bien encore quelques séquelles par-ci par-là, cependant je parle ce qui change tout, avec un drôle de rictus, c’est vrai ; ça passera. Je marche et me tient droite ; un genou refuse de plier par instant ; ça passera. Moi, je m’en vais... Hier encore en refaisant le pansement de mon front, après avoir enlevé les points ils m’ont tellement badigeonnée d'éther que j’ai aussitôt filé dans les pommes. Et que je te gifle et te regifle. Suffit. Mon Général fait la grimace, mais j’ai été très ferme ; militairement ferme. Bien, a-t-il-dit. Mais vous devrez nous signer une décharge car le psy trouve comme moi que c’est un peu rapide ; vous pourriez encore avoir quelques troubles compulsifs. Le ministre est nettement plus compréhensif : il a déclaré hier qu’il ne fallait pas chinoiser et que j’étais à l’évidence rendue à mon autonomie. Il m’a embrassée en partant ! Ce con ; on s’est rencontré cinq, six fois dont quatre à la muette. Sa nourrice, en eut-il une, n’a jamais du lui raconter les histoires de petits cochons ou d’oies gardés ensembles !

Me voila chez moi. Résolution : jamais je ne remonterai dans un avion. Un DC4 Douglas vient de se vomir à Karachi, mal piloté dit-on. Cent cinquante morts. Il avait quarante passagers en surcharge ; mais dans ce pays-là, à moins de cent mille morts ça reste un fait divers en dernière page de la presse. Sauf s’il y a des sous à récupérer !

Problème : nos incompétents gouvernants en dépit de promesses électorales du genre « demain on rase gratis » ont désarmé / vendu le « France » et ses semblables parce que l’avenir est à Boeing. Même le super-Constellation-radeau de ma fille accomplit ses derniers vols.
Tant pis, si je décide d’aller la voir, j’affrèterai un Bananier !

Bon, reprenons nos chères bonnes vieilles habitudes : Thé, fauteuil, sablés bretons pur beurre. Quoi que, ce fameux Maté ; expérimentation ? A la santé du Val de Grâce et tous ses généraux !

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26 avril 2012 4 26 /04 /avril /2012 13:22

Regards sur l’avenir

 

 

 

Il se tenait appuyé au chambranle de la porte de la salle de bains. Grand, le cheveux sombre et un regard cobalt, halé, bronzé ; un beau gaillard !

Il portait juste un peignoir court vert agressif, inattendu, et entre-ouvert qui ne cachait pas grand chose de son anatomie. Ses cheveux étaient humides, ses pieds nus.

La nuit avait réellement été torride tant ils avaient fait et refait l’amour ; l’amour tendre, l’amour fou, l’amour passion et quand une aube assez antipathique avait lancé ses premières lueurs au travers des rideaux ils venaient tout juste de s’endormir encore mélangés et plutôt par le travers du lit qu’en position jugée normale par les gens normaux !

D’elle, on ne voyait qu’une mousse blonde cuivrée de boucles étalées sur ce qui semblait être une robe roulée en boule. Le drap, léger dessinait des formes intéressantes.

Il sifflota un air guilleret qui prit de l’ampleur jusqu’à provoquer un grognement de la part du drap. Puis les boucles se soulevèrent révélant un joli visage tout rond, tout chiffonné dont les yeux clignotaient projetant un concentré d’indignation contre les rayons lumineux blessants. Elle acheva de se redresser balançant d’un coup de pied le drap entortillé autour d’elle confirmant la qualité du dessin précédemment évoqué. Elle avait des seins petits et pointus qui regardaient vers le plafond avec insolence, la taille fine et des épaules douces ; un ventre plat, des jambes longues et satinées et une parfaite absence de toute pilosité !

  • Bonjour, tu vas bien ? Levé déjà, pourquoi, encore tôt, non ? 
  • Il montra une barre de dents bien blanches disant :
  • L’habitude ; fatigué ou pas, couché tôt ou tard, beaucoup ou peu dormi c’est du pareil au même, mon réveil interne sonne toujours à la même heure ; alors...

D’ailleurs, au lieu de rester là dans cette attitude parfaitement indécente de séductrice professionnelle, dont je ne nie pas le côté artistique, tu pourrais peut-être te lever aussi.

  • Indécente ! C’est la meilleure du petit matin ; tu t’es vu avec ton peignoir grand ouvert. 

Elle eut un long regard plein de promesses : - Remarque que...  Je ne suis pas indécente, toi non plus ; nous sommes naturels. Voila, naturels. Et maintenant, on va faire quoi ?

  • Lever, douche, habiller, petit déjeuner et ensuite on avise.
  • Non, tu sais très bien que je ne parle pas de ça ; ne joue pas les innocents idiots.
  • Ah, bon ?
  • Je parle d’avenir, et ne commence pas déjà à faire la grimace. Je t’aime, c’est bête hein, avec une trop grande intensité selon moi ; ça me nuit mais c’est ainsi ! Tu m’aimes, tu le dis trop, le prouve trop pour qu’il n’y ait pas un fond de vérité. Je sais bien, les mecs quand on a satisfait leur convoitise... Mais pas toi, non, non, non. Alors l’avenir ?
  • On laisse les sentiments de côté ; c’est acquit. Reste : Mariage ?  Absolument, totalement exclu. Nous sommes adultes, avons chacun un métier et des revenus ce qui sauvegarde nos libertés. Cohabitation permanente ? L’amour à la sauce ménagère, aux nécessités domestiques, aux basses-œuvres quotidiennes genre : si un soir j’ai la flemme de me laver les pieds ou les dents avant de me coucher il m'horripilerait d’entendre ma compagne me le faire remarquer, me le reprocher, m’accuser de sentir mauvais ; et je suis courtois dans le choix des mots ! Donc tout aussi exclu. Nous sommes parfaitement heureux comme ça, non ?
  • C’était un temps d’attente, de latence, des prémices, pas un plan de vie, jamais et tu le sais fort bien. Il me semble d’ailleurs me souvenir que les toutes premières fois, au stage d’apprentissage, juste avant que je ne pénètre dans ton lit tu avais très vaguement et vite  balbutié le mot mariage.
  • Souviens pas, mais j’étais très inexpérimenté sans grands repères de la vraie vie, mineur.
  • Faaaux-cul ! Quand tu m’as sautée tu n’étais pas mineur ?

Elle s’est levée d’un bond et a couru à la salle de bains sans refermer la porte. Alors il a continué en parlant plus fort :

  • Le mariage et la cohabitation sont les deux plus grands ennemis de l’amour. En trois coups de cuillère à pot (au feu), passez muscade ils ont tout détruit, des vandales, des ravageurs : - [« Je t’aime » !  - Oui, tu veux manger quoi ce soir et puis t’a entendu ce bruit de la chasse d’eau ? Faudrait peut-être appeler le plombier ou bien, tu peux...  - « Je t’aime » .  - Dis donc, c’est quoi ces grosses écorchures sur l’aille arrière gauche de la voiture ?
  • - « Je t’aime » ! - Oui, eh bien je trouve que tu rentre un peu tard, vous avez cassé du sucre sur  le dos de vos hommes avec les copines, hein, c’est ça ? Et puis ta mère a téléphoné.    Alors je te préviens, je refuse de passer encore les vacances avec eux ; une fois a suffit... -  « Je t’aime aussi » ! Mais quand on va voir tes parents, c’est pas plus marrant ; bon ce sont les parents... - Et justement je t’ai épousée parce que je t’aime, mais je n’ai pas épousé ta famille ; aucune raison ! ]

 C’est comme ça que ça se passe, partout, tout le temps : Je t’aime, tu m’aimes, on  s'aime... Et puis on est rendus, usés, on s’aime plus...>

Elle est ressortie de la salle d’eau toujours aussi nue, le corps couvert de perles qui coulent sur sa peau.

  • Avec le bruit de l’eau, j’ai pas bien entendu ; des tas de fois « je t’aime » comme si tu tournais en boucle mais pour le reste il faudra que tu actualise.
  • Mais comment donc, joue pas à ça, je parlais fort exprès.
  • Je te jure...
  • Le parjure est puni par la loi. Aller, viens déjeuner.

Dans la cuisine régnait une forte odeur de café. Face à face ils mangeaient avec des bruits de mâchoires, des grands « slurp » entrecoupés de beaucoup de silence. Il attendait la seconde charge ; elle ruminait.

Elle attaqua en surprise, virtuose :

  • Sept cent cinquante kilomètres, c’est beaucoup et avec les temps d’aéroport, même l’avion, ça va pas vite ; et ça coûte bonbon. Pour passer quatre, voir cinq jours ensemble ; à peine le temps de se voir, deux trois fois par ans.  Trop loin, trop court, moche ! Ça peut pas être un choix durable ; c’est la déprime et le dépérissement assuré...
  • Ouais, être prof à Pau c’est pas non plus l’extase ; faits toi nommer en région parisienne et on pourra être ensemble beaucoup plus souvent et longuement.
  • Bref, le repos du guerrier au coup de sifflet !
  • Et voila tout de suite l’emphase et la vacherie, je propose juste de multiplier par quinze ou vingt le statut actuel de nos relations qui jusqu’à présent semblait satisfaire tout le monde, rareté mise à part. Cela fait beaucoup, beaucoup de temps à passer ensemble pour le meilleur et pas le pire.
  • Et les familles, mes parents, on leur dit quoi, au juste ?
  • Pas mon problème, je suis adulte, majeur, autonome et ne doit de comptes à personne.
  • Du bla bla de jocrisse, ça ne trompe personne, j’achète pas !
  • Alors ?
  • Alors rien. Tu ne me laisses pas le choix. Je vais faire ma valise.
  • Menace, chantage, pied du mur, ultimatum ?
  • Connerie, bêtise, idiotie ; tu as oublié que je rentrais chez moi aujourd’hui.

Repartie dans la chambre en haussant les épaules. Il avait suivi avec une petite boule qui commençait à grossir au creux de l’estomac.

Il s'était arrêté sur le pas de la porte. Elle  avait ouvert sur le lit sa jolie valise en cuir vert et  y rangeait pochette de linge sale, une jupe, une robe, deux chemisiers, une paire de ballerines, un livre, page marquée, une chemise de nuit arachnéenne jamais portée. Elle s’était ensuite dirigée vers un des placards muraux et en avait ramené une brassée de vêtements divers qu’elle entassa par-dessus le reste sans grand ménagement anti-faux-plis. Puis ce fut le tour d’un tiroir ; tout en le vidant, elle énonçait :

- Tiens des collants, c’est idiot, j’en met jamais.

Il lança :

- Spécialement achetés pour un gala habillé.

- Ah, oui, peut-être. Trois petites culottes en broderie anglaise, taille basse, ça j’aime, un boxer noir ; un essai pas très heureux. Un mini string également noir ; mais quelle horreur, ce n’est tout de même pas moi qui ai acheté ça, rassure moi. Ou alors c’était pour te faire plaisir ! Bon je te le laisse et elle le glissa sous un oreiller du lit ! >

Elle avait ensuite fait un second voyage vers la salle d’eau, était revenue les bras chargés de boites, flacons, une trousse de toilette, diverses babioles dont un canard jaune en celluloïd.
Tout était maintenant dans la valise qui trop pleine refusait de fermer.

  • Tu m’aides ou je dois sauter à pieds joints dessus pour tasser ?

Il ne souriait plus, il s’approcha, appuya et ferma les serrures : - Mais pourquoi tu emmènes tout ça, d’habitude tu laisse.

  • C’est vrai, mais j’ai oublié mes habitudes. Je revenais ; je ne reviendrai plus. Quelque chose semble s’achever, hors de ma volonté, sans qu’une solution d’avenir acceptable ait été trouvée. J’ai un train à Austerlitz dans soixante-quinze minutes, tu m’y emmènes ?
  • Non !
  • Logique, stupide mais logique. Bon je prendrai un taxi.

Elle gagna la porte à pas soudain pressés et l’ouvrit ; mais se ravisant elle revint très vite vers lui, l’embrassa très fort sur la bouche et repartit en déposant un trousseau de clés sur la crédence de l’entrée.

La porte avait claqué ; Il était seul, seul comme jamais.

 

°°°°°°

Six ans. Pas un mot, une visite, un mail. Deux chagrins qui murissent dans le silence, deux orgueils qui s’affrontent muets, virtuels !

 

Biarritz.


Il souffle un vent de sud-ouest force sept mais le soleil brille et chauffe durement. La mer fait étinceler des millions de plaques d’argent qui s’assemblent en hautes masses et s’écroulent avec fracas ; drapeau rouge !

La Plage sur la côte des Basques : entre le boulevard côtier du Prince de Galle et la bande de sable qui descend vers la mer il y a une sorte de no mans land bordé par une murette basse. Des bâtiments y ont été construits par-ci par-là, certains importants, hôtels, restaurants précédés vers l’eau par une terrasse de deux trois marches. Quand la mer est fortement agitée comme aujourd’hui, à marée haute, des vagues puissantes viennent heurter la murette, lançant par dessus des gerbes d’écume et d’eau mélangées qui inondent les terrasses et courent jusqu’au bitume du boulevard. De l’autre côté de celui-ci serpente une falaise basse qui porte de très rustiques jardins promenades parcourus d’allées nombreuses s'étendant jusqu’à l’avenue Beau rivage.

Assis sur la murette, ils sont quatre ; trois filles en mini-bikini ; non, deux filles plus Elle, et un grand garçon solide, en boxer, qui a l’allure typique du surfeur local. Par instant, une vague agressive vient rugir dans leur dos et ils disparaissent un temps sous un épais rideau  d’eau transparente et verte. Ils s’ébrouent en riant, attendant la suivante.

Il a parcouru la falaise en prenant des clichés nombreux puis s’est décidé à descendre au niveau du boulevard et s’est installé sur un banc à quarante mètres d’elle. Chemise veste  bleu de France, short en lin grège, sandales en cuir de buffle. Elle l’a repéré très vite mais rien ne s’est produit si ce n’est un rire plus nerveux sous une nouvelle douche. Le spectacle était drôle et joli ; il a braqué son réflex et pris quelques photos en rafale, au télé !

Sans un mot pour ses compagnons qui se sont regardés, étonnés, elle s’est enfin levée, a traversé le boulevard, s’est assise près de lui. Long silence puis :

  • Tu m’as reconnue ? Cela fait si longtemps ». 

Elle est plus belle encore qu’avant ; veloutée ; elle sent la mer et ... Autre chose, subtile.

  • Sauf gémélarité longuement et soigneusement cachée, je t’ai reconnue ! J’ai souvent regardé des images et me suis interrogé : pourquoi ce silence, cette absence ? Comme une midinette je me passais en boucle cette chanson de Jo Dassin : Ca va pas changer le monde--------- /----------  Moi je suis resté le même, celui qui croyait que tu l’aimais ; c’était pas vrai, n’en parlons plus, et la vie continue ! Et puis j’ai arrêté ; trop douloureux.»
  • Ne t’avais-je pas dit mon impression que quelque chose s’achevait ? Et puis brutalement venir me shooter ici avec cette chanson ; c’est pas juste ; c’est salaud.
  • Pfut, du verbiage ; l’amour ne se régit pas avec des mots, sauf au cinéma peut-être. Mais j’ai aussi enregistré une autre chanson. Il sort d’une poche un iPhone.
  • Arrête ça. » Elle a presque crié. Mais déjà il a pressé un bouton ; le son est faible mais net : 
  • « Un doux parfum trouble encore 
  • Tous mes rêves agités, 
  • Et lorsque revient l’aurore, 
  • Toujours je vous cherche à mes côtés ! 
  • Vous m’avez quitté sans me connaitre, 
  • Sans savoir combien je vous aimais, 
  • Si vous reveniez je crois peut-être 
  • Que simplement j’oublierais...».

Valse lente, valse anglaise ; elle pleure doucement en répétant :

  • Salaud, salaud, salaud...» Puis elle se ressaisit, secoue la tête ; il reçoit trois larmes ; petit choc.
  • Est-ce que tu es venu me demander en mariage ?
  • Bien sûr que non !
  • Ah (le ton a durci) ; la mer descend, on va pouvoir se baigner ; dangereux mais voluptueux. Tu viens avec nous ?
  • Non ». Il a haussé les épaules.
  • Logique, Stupide mais logique (vieux refrain !).

Elle retraverse le boulevard presque en courant et rejoint les autres. Ils disparaissent tous quatre derrière la murette.

 

Lendemain.


Il s’est installé au même point que la veille mais directement sur la plage. La mer, calme,  est basse, le soleil torride : en boxer short il est vraiment beau mec. Il bouquine. Elle arrive avec les trois autres qui se posent un peu plus loin et gagné bien sûr, bonhomme a une planche de surf sous le bras.

Elle vient directement s’assoir tout contre lui ; il s’écarte, elle se rapproche ; il s’écarte, elle...

  • Bonjour, toujours là ? Qu’es-tu venu faire, au juste ?
  • Salut ; rien ne me presse ; la France est en vacances ; tu l’ignorais ?
  • OK. Mais pourquoi Biarritz ?
  • Comme ça, tourisme ! Faire connaissance d’un lieu que quelqu’un m’a beaucoup vanté, il y a longtemps.
  • C’est un long voyage.
  • Aujourd’hui on peut aller sur la Lune en trois jours !
  • Vu comme ça. Et c’est comment Biarritz  ?
  • Très Montijo, second empire, bikinis en plus ! J’avoue ne pas trop voir Eugènie et son Badinguet au milieu de toutes ces quasi nudités ; mais peut-être que cela leur aurait plu. Ça ne doit pas être si marrant de se baigner en gros maillot à jambes jusqu’aux chevilles et suffisamment volanté pour atténuer les formes et reliefs.
  • Oui, c’est plus ça tout de même. Alors ?
  • Mais si, au plan architectural on est au second empire et s’il n’y a plus de crinolines dans les salles de restaurants, les maîtres d’hôtels sont aussi gourmés qu’à l’époque ; le mobilier, la vaisselle, la verrerie tout pareil. Mais la mer est belle, le site agréable, les rochers en béton à peine identifiables et la vierge veille sur vous toutes pécheresses dénudées.
  • Tu n’aimes pas les bikinis ?
  • Evidemment si, mais moi et le péché ; je fais pas référence. Mais si tes élèves te voyaient ainsi il y aurait du tumulte chez les mâles de première ou terminale.
  • Ho, hé, On n’est plus en 1654 les mecs sont plus des courtisants de Louis XlV qui pâmaient à la vue d’une cheville. D’ailleurs, l’autre la bas, il était encore dans ma classe il y a deux ans. On a le même âge mais lui c’est le prototype du cancre délibéré ; intelligent, pas compliqué, il dirigera l’Agence de tourisme de papa, probablement pas plus mal qu’un autre ; alors !

Et en dehors de ça tu fais quoi encore ?

  • Provision d’images ; mettre des souvenirs à jour, ravauder, restaurer, réinitialiser ma mémoire. Jouer à huis clos les romantiques maso !
  • Hum, tu souhaiterais m’épouser ?
  • Encore ! Pour une prof de lettres je trouve ton vocabulaire réduit. Réponse toujours négative.
  • Il arrive que les rengaines fassent effet ! Bon faut que je les rejoignent ; m'interrogent, moi muette ; comprennent pas. Mais c’est marrant, marrant et triste. Tu refuse de me marier alors que je voudrais et lui, il souhaiterait m’épouser, et moi je veux pas... Mais je me sens dessécher... A plus.

Le désert au cœur ; aride !

 

Un autre jour.


Il a parcouru toute la perspective de la Côte des Basques qui domine la plage en corniche depuis le rocher de la Vierge jusqu’au lieu informel des précédentes rencontres. Elle est là en short et chemisier en voile jaune citron ; seule.

C’est lui qui s’assied près d’elle. Elle lève les sourcils sans sourire. Interrogation ?

  • J’ai beaucoup, beaucoup marché. On dit que c’est bénéfique pour la réflexion. Mais malgré tout j’en reviens à mes études toujours en cours sur l’électro-magnétisme, les courants d’appel, les forces d’attractions, les attirances, les affinités ; tout ça...
  • En faisant simple, tu penses que toi sans moi c’est nul et moi sans toi pire mais que c’est un conflit moral sans solutions parce que je suis bête et têtue !
  • C’est pas si mal traduit sauf que tu n’es pas bête et que tu raisonne trop, comme moi !
  • Tu te complais sans doute à jouer au génie tourmenté qui répudie trop de normalité, qui veut des souffrances sublimes et des joies extravagantes, de l’impromptu, de l'inattendu, de l’inhabituel. Moi je reviens un instant en arrière pour répéter trois mots ; c’est drôle d’ailleurs tout ce temps sans les prononcer : Je t’aime ! Oh Dieu ! Cela ne suffit pas. J’ai désir de normalité mais pas de conformisme, je souhaite un homme présent dans mes bras, beaucoup, souvent ; vivre dans une jolie maison pleine de fleurs de livres et de musique dont je modifierais régulièrement les implantations ; avoir des enfants vivant en harmonie avec leurs deux parents ; vieillir avec sérénité en gardant mon amour intact solidement arrimé en moi. C’est trop, utopique, je sais. Je n’aurais rien de tout ça sauf peut-être la maison et les enfants (sans le bon père !) accompagnés d’une sourde douleur qui me consumera ad perpetuum. C’est l’image de la vraie vie, rarement perturbée par un contre !
  • Là je ne sais trop quoi dire, c’est Freud, Lacan, Beauvoir, Dolto pèle-mêle ; veuillez tirer un bout qu’on voit ! Parfois, j’aimerais faire simple, simpliste même ; être primaire, voir primitif. Faire comprendre à cette femme que, autonome et indépendante elle est indispensable à ma vie et à ma liberté. L’empoigner par la tresse qu’elle n’a pas et la trainer jusque dans ma caverne souvent mais pas toujours, qu’on puisse respirer l’un et l’autre.

Bon j’ai besoin d’eau froide moi ; viens-tu à l’eau, nous deux ?

  • Nous deux n’existe pas, plus ; non !
  • Illogique, stupide et illogique. (variante). See you !

Il a couru vers les vagues qui grossissent et commencent à monter... Il nage.

Elle se sent tellement seule, désespérément seule ; bof, des conneries tout ça !

 

Encore un autre jour.


Rencontre fortuite devant le Casino. Elle est avec ses trois gus, attablés, sirotant des liquides colorés. Et elle lui fait signe ; un geste d’invite sans équivoque. Il râle dur au fond  mais sourit en surface. Lente approche. Une place est libre, près d’elle, il y a de ces hasards ! Le voila assis. Elle présente à la ronde, son prénom sans plus juste :

  • Un remake passager de mes anciennes années. > Garce.

Les filles le jaugent, soupèsent, évaluent ; avis favorables, on s’assouplit !

Lui : - bonjour >, du bout des incisives et direct :

- Tu surfs ? > Elle l’avait dit : il a de la conversation mais codée et condensée sur un seul thème : la Vague !

  • Oh non, suis pas né la dedans. Note, la Mer, c’est mon truc à fond sous tous ses aspects mais avec vingt mètres de coque, deux mats et plein de voiles. La j’accepte tous les challenges.

Une des filles, longue, satin brun, joli roux, grande bouche, nom déjà oublié.

- Tu ferais la route du Rhum, des fois ? 

  • J’ai fait. Il y a deux ans ; huitième des monocoques ; satisfaisant pour l’amateur que je suis > Respect !
  • Tu as des sponsors ? > Blonde, pas vraie, peau mate, la seule à avoir gardé le bikini, jolie maigre ; on devine trop le squelette.
  • Non, aucun, ce sont des bêtes qui ne vont pas perdre leur temps et leur budget publicitaire avec un phoque amateur !
  • Alors tu es riche > le mec, juste tout petit peu méprisant.
  • Suffisamment et puis je fais beaucoup par moi-même.
  • Il est architecte naval et ingénieur >. Là c’est elle. Elle fait l’article ou quoi ?

Le loufiat s’est décidé à venir faire un tour investigateur, les quatre verres sont vides. Il interroge du regard et commande : trois jus de fruits, un picon-bière pour le surf et un single malt Glenfiddish pour lui. Elle semble étonnée.

  • Tu picoles le matin maintenant, et puis t’as changé de marque.
  • Non je me diversifie. A présent je navigue entre six marques différentes, rarement le matin c’est vrai. Mais depuis que j’ai visité la distillerie GF dans la Speyside j’ai un faible pour la marque ; même si les puristes ne sont pas d’accord. Cette distillerie, dis donc : des alambics presque tri-centenaires  en forme de poire et en cuivre rouge flamboyant, des cuves de fermentation qui mènent le malt à ébullition sans feu ; une atmosphère... Tu ressorts à moitié bourré ; rien que par les vapeurs ! Pas fous, ils te proposent une dégustation : standard dix ans, quinze, dix-huit et vingt-cinq ans d’âge (très cher), et t’en as pas envie ! Pour être honnête je dois dire que j’ai entendu des Écossais pur sucre dire que le GF était une merveille < surtout pour l’exportation ! > alors que le Macallan (tout aussi bon) ils préféraient le garder pour eux ! Mon préféré désormais c’est le < Lagavullin >  tourbe, fumée, iode.
  • Bouh, ce discours ; tu vires alcolo.
  • Il faut bien meubler ses moments de solitude ! Nombreux, fréquents > (tu me cherches, prends ça !). Ça ne rate pas : la rouquine :
  •  - T’es beau, t’es jeune, t’es riche, doit pas être si difficile de les combler les moments de solitude. Tu nous charries, là !
  • Ouh, des jolies filles à œillades, tous genres, toute nature, désintéressées ou vénales, par pleins paniers. A l’heure, la journée, la semaine ou l’année ; c’est vrai, il n’y a qu’à se baisser pour faire son marché. Mais non, je suis bizarrement l’homme d’une seule femme, jamais une autre ! Il y a eu ; longtemps ; n’a pas accepté mes conditions ; est partie très loin après un baiser furieux ; n’est jamais réapparue. Le Surf : 
  • Tu vas pas nous dire que tu fais moine vertueux et ascétique ; t’as pas trop le profil !

Les trois filles rient ; elle, très jaune.

  • Désolé, no comments !

Les verres sont vides. On se sépare, si contents de s’être connus ! A plus, peut-être sur la plage.

 

Fin de semaine.


Le creux, vers un coup de blues. Il pense qu’il ne va tarder à prendre sa voiture et rentrer à Paris. Il est idiot, il aurait du venir en bateau depuis l’Arcouest, cela ne fait pas si long et maintenant il remonterait direct vers son chantier. La mer, elle occupe, apaise, efface les miasmes délétères, les scories du quotidien. Elle vous lave les pieds, le cœur et l’âme ! Trop tard.

Il est descendu de la corniche. Elle est toute seule assise sur la murette ; jupette noire, chemisier blanc, strict ; grand deuil !

Il s’est assis ni près ni loin, les trois autres au fond d’une demie-marée montante escaladent la vague en spiralant au ras de l’écume ? C’est bien, mais avant d’être acceptés au club des Dauphins, il faudra encore quelques années d’évolution ; ou de régression !

  • Tu viens m’épouser ?
  • Au diable les idées fixes. J’ai épuisé et au-delà les charmes ravageurs de Biarritz. Je rentre à Paris et suis venu dire adieu. Peut-être pas indispensable ; quoi que...
  • Donc tu pars. C’est simple, consternant mais simple. Logique aussi, stupide mais logique ! > Et elle a un sourire mouillé qui n’ose pas le regarder.
  • Toi, moi, sommes une montagne d’imbécilité qui refuse l’effondrement. En rajouter un peu n’y changera rien.

Elle hésite une minute, se rapproche.

  • Il (Surf) n’est pas fou, obsédé par sa vague, mais pas fou. Ton apparition, nos entretiens en solo, il n’y a rien vu de fortuit. Hier il a dit pour une fois très sérieux que j’allais devoir faire des choix et m’a officiellement demandé de l’épouser. C’est vraiment un brave type et un bon copain. Il sait que je l’aime bien. Je lui ai tout de même répondu que je n’éprouvais aucun amour pour lui ; que j’avais aimé un autre garçon, que cela n’avait pas collé mais que je te ressemblais sur ce point et me sentais incapable d’en aimer un autre. Alors il m’a soufflé en répondant : 

- Ça, on savait, on avait tous compris. Mais ça n’a pas de sens : moine, nonne, les siècles ont passés, cela ne signifie plus rien. Je sais que tu rêve de beaucoup de choses et ton attitude avec les petits mômes est parlante. Épouse moi, tu auras tout. Et pour l’amour, on essaiera de lui faire jouer phénix ; à qui perd gagne.

  • Je n’ai pas discuté, rien rejeté non plus, je me sens baigner dans une indifférence étrange et il est le moins pire du moindre mal ! None, sûrement pas, vieille fille sèche, pas mieux. Ma beauté, ma jeunesse, je veux que cela serve. L’idée de mourir sans avoir eu d’enfants est terrifiante. Voila !
  • Enfants, je peux contribuer, de la conception jusqu'à la mort (du père) rien de plus.
  • Je sais, depuis longtemps : fille mère (c’est devenu banal, OK), repos du guerrier et faiseuse d’héritier, salut et basta !

Il se lève fait dix pas rapides vers le boulevard, s'arrête, revient vers elle, se penche, l’embrasse violemment sur la bouche et repart à grandes enjambées.

 Elle est seule, seule comme jamais..

 

°°°°°°

L’Arcouest.


Cinq kilomètres au nord de Paimpol, (ses morues, « les yeux bleus de la Paimpolaise »), s’étend la Pointe de l’Arcouest, plate et rocailleuse dans un joli écrin de verdure. Renommée « Sorbonne-Plage » par un journaliste facétieux elle fait face à l’île de Bréhat, Eden breton. L’été, on y croise les fantômes de Pierre et Marie Curie, de leur gendre et fille Frédéric et Irène Joliot-Curie, de la famille Perrin, de celle du docteur Roux, des Langevin et tant d’autres. Un boutade locale veut qu’il y ait l’été  à l’Arcouest plus de Prix Nobel que de rochers au mètre carré ! Pourtant les rochers abondent. Au bout de la route et en granit de Kersanton, les Curie et l’hymne à l'atome sont bien présents dans un monument érigé à leur gloire. Le scientifique, cela effraie toujours un peu le vulgum pecus, de telle sorte que même en été le lieu est en général calme et serein. Il faut toutefois faire abstraction du courant continu de touristes qui se dirigent en rangs serrés vers l’embarcadère des vedettes de l’île de Bréhat.

C’est là, à la sortie de Ploubazlanec qu’est installé le petit chantier naval où il construit des voiliers du genre luxueux pour la plaisance fortunée mais où on accepte avec gentillesse de réparer, radouber quelques barques de pêche locales voir un cotre chalutier.

Il y conçoit et dessine des carènes futuristes mais très techniques, puis les construit en utilisant exclusivement des matériaux nobles tels le teck et l’acajou tout en les dotant d’un équipement électronique de haut de gamme. Quatre compagnons œuvrent avec lui dont l’un s'enorgueillissant d’un titre de meilleur ouvrier de France. Si l’on tient compte du prix que sont prêts à payer certains multi-millionnaires américains pour pouvoir dire aux amis et relations qu’ils ont en fait de « yacht » « the best in the world » tout le monde sur le chantier gagne très bien sa vie, à commencer par lui même.

Dans l’île de Bréhat, paradis où ne circulent que des vélos, un tracteur agricole et quelques ânes tirant de petits charretons, il a fait l’acquisition d’une maisonnette de pêcheur en granit et toit de chaume qu’il a confortablement aménagée pour y vivre agréablement. Ni petite, ni grande elle offre cependant une vaste pièce avec cheminée, au plafond bas, pleine de faïences et de cuivres jadis utilitaires et aujourd’hui décoratifs, douce à vivre et chaleureusement désuète. Un joli hors-bord lui permet de faire régulièrement la navette entre l’île et le « continent »

N’ayant plus ni attaches, ni obligations parisiennes, il s’est défait de son appartement évoquant des souvenirs douloureux et ne quitte plus guère son aire bretonne.

Il lui arrive souvent, à la tombée du jour, assis sur le pas de sa porte, la pipe au bec de se dire qu’il est vraiment taré de vivre ainsi, sans rires d’enfants dans la maison sans un doux collier de bras qui viendraient se nouer autour de son cou. Puis il entend une voisine, jeune, jolie, qui houspille son « homme » rentrant trop tard d’une petite beuverie entre copains alors qu’elle vient de se taper une grosse lessive, et que elle aussi elle aimerait aller boire une goutte avec ses copines, et que, et que... Bon il a promené des touristes toute la journée ; alors un petit rhum entre marins, c’est tout de même pas un crime ! Et puis, il lui a rapporté un superbe congre : regarde. Belle pièce, quatre kilos au moins ! Elle reste méfiante : 

  • Il est nettoyé, vidé, paré ?
  • Ben non...
  • Alors tu t’y colles, de suite !

Il élève la voix :

  • Oh, là, hé...

Elle est encore en colère, mais elle rit :

        - Tu la veux ta matelote, monsieur le mâle dominant ? Alors au boulot...

Toujours sur sa margelle de pierre il se ressaisit : marié ? Jamais !

 

Deux années passent.


Maintenant, sa réputation est faite ; très loin. Il n’a guère de clients français ; il disent qu’il est trop cher. Ils ont des sous, mais ils ne veulent pas le montrer ; c’est français ! De la terre, des maisons, c’est discret, ça se fond dans le paysage. Quoi est à Qui ? Seuls les notaires savent vraiment. Les actions, les obligations : en compte bancaire, secret pro, pas vu pas pris ! Mais un gros voilier, c’est ostentatoire et ça coûte cher au parking et à l’entretien. Chacun sait ça !

 Par contre, de l’américain, fortune faite et qui tient à le montrer, de l’anglais gentleman portant cravate de son Yatch-club ou du business-man australien qui rêve de la Cup of América, ça, il a !

Quatre bateaux par ans, pas plus. On compte un million le mètre linéaire majoré des options « sur mesure » ce qui fait tout de même un chiffre d’affaires d’environ cent/cent vingt millions d’euros annuels.

Cette année il a construit trois goélettes et un cotre, gréés en aurique avec pour le cotre la possibilité d’un mat de tapecul. Des bateaux très classiques dont il a dessiné et calculé les lignes avec amour leur donnant élégance et finesse ; robustesse aussi et tenue à la mer sous pratiquement toutes les allures. Par deux fois il a traversé l’Atlantique pour livrer à Boston et à Miami à des millionnaires américains retirés des affaires les deux premières goélettes : vingt-deux mètres sur six mètres trente, pin, teck, acajou ; trois cent trente mètres carrés de toile pour le gréement ; quatre grandes cabines doubles avec salle d’eau complète et 3 WC indépendants, un carré et un ilot technique grand luxe avec ce qui se fait de mieux comme matériel hight tech, une plage arrière genre salon d’hiver et de la réserve : trois tonnes de fuel pour les deux moteurs in-board de quatre cent quarante HP ; sept tonnes d’eau et une installation de désalinisation ; réseau 24 et 220 volts. Congelo-frigo, lave-linge ; toutes manœuvres du gréement automatisées permettant de jouer au navigateur solitaire. Le troisième, identique mais avec cabine d’équipage avant, a été livré  aux Bahamas à un armateur Franco-anglo-américain et un peu black qui veut organiser des croisières de luxe à la voile dans toute la Caraïbe. 

Le cotre ne fait que quinze mètres sur cinq et il lui a donné le design le plus moderne en trichant un peu pour lui procurer une allure de lévrier des mers qu’il n’est pas, tout en respectant un « bassin » large et puissant bien assis sur l’eau. Il lui a été commandé par un original un tiers français, un tiers arménien et un tiers... Rien du tout, un apatride sympathique basé à Villefranche-sur-mer qui veut vivre à bord et faire de la vraie pêche ; il voulait même des tangons sur chaque bord pour y frapper des lignes de pêche comme sur les thoniers d’autre-fois. Il a bien tenté de lui faire mesurer l’incompatibilité entre un carré-salon et des aménagements ultra-luxueux et les contraintes salissantes, odorantes et envahissantes du travail de pêcheur ; l’autre n’a rien voulu entendre. Alors il lui a aménagé la plage arrière de façon aussi pratique et professionnelle que possible en le prévenant que s’il chalutait et ramenait deux tonnes de poisson d’un coup (peu probable, mais... ) il ne faudrait pas qu’il s’étonne s’il en retrouvait partout dans le cockpit ! Cela ne lui plaisait pas trop d’accoucher ainsi d’un bateau bâtard, mais au-dessus d’un certain prix on ne discute pas les fantaisies du client !

 

Deux ans de nouveau.


Un billet laconique est arrivé par la poste :

  • Dernier rappel ; dernière chance. J’ai accepté d’épouser Surf ; le mois prochain. Veux-tu me marier ? Réponse urgente. Je t’en prie, dis oui ; ne nous tue pas ! >

Alors il a répondu plein de regrets, de remords, de colère, de tout :

  • Question inacceptable. Très mauvais choix mais tous mes vœux t’accompagnent. Indique moi la date afin que je sable le champagne au nom de Sainte Bêtise !

Deux intransigeances dos à dos. Tragique et dérisoire ; deux suicides virtuels. Donner une suite réelle ? Jamais : vivre est unique, un don merveilleux quoi que boiteux par manque de pérennité. Vivre en souffrant vaudra toujours mieux que mourir et n’être plus !

Au jour dit, il a fait porter à son domicile un gros bouquet de roses écarlates avec une fleur noire (ou presque) planté en son milieu. C’est puéril, il sait mais humain aussi ! Dans le même registre il s’est vêtu tout en noir puis à rejoint l’assistance qui applaudissait ces deux fous... Et elle était en blanc ; défi, inconscience ? < «Tout en blanc, elle était belle, les passants ne voyaient qu’elle » >. N’est-ce pas Jo Dassin qui chantait cela ?

Bien sûr, elle l’a vu, l’autre aussi... Il est reparti vite, vite ; sa bouteille l’attendait. Sans petits pains au chocolat.

Ils vont vivre en enfer rapidement, même avant ! Il lui reprochera de refuser de l’expulser de sa pensée, de faire l’amour par devoir et obligation en pensant à un autre. Elle lui en voudra sans cesse de n’être pas moi. Et mon enfer à moi : l’imaginer en train de surfer sur elle...

On a beau dire le sexe ce n’est rien, ça passe. Tu parles ! C’est essentiel, central, mondial, vital, à l’origine de tout, du tout...
L’affection, la tendresse, l’oubli de soi, les petits soins à l’autre, c’est l’ornementation, le décor, l’affirmation revendiquée d’une civilisation d’origine chrétienne. Un joli emballage cadeau tout empli de poussières d’étoile !

Le sexe sans tendresse c’est vulgaire, moche mais ça marche. La tendresse sans sexe c’est artificiel, du faux semblant hypocrite. Rien à faire, les deux font un couple ; l’affection amoureuse : de la triche ; la fusion dans un creuset unique des rancœurs, dépits et abandons, toutes les usures et routines exaspérantes de la vie avec le souci de se sentir bien, honorable, respectable et soucieux de l’autre ; gratuitement. Ce n’est rien !

La rage au cœur, la peur au ventre face au temps qui file sous les blessures qui mordent là où cela fait le plus mal.


Trente et une années se sont écoulées. L’heure de la retraite.


Il est devenu un notable respecté tout autour de l’Arcouest. De son chantier sont sortis plus de deux cents voiliers de grand luxe conçus et construits par lui ; de véritables «dream-cars » de la mer. Il est si gentil, aimable avec tous, chaleureux ! On le trouve parfois un peu bizarre. On a jasé aussi, discrètement. C’est vrai un beau gars comme ça, riche, instruit, sans femme, sans enfants, sans visites. Toujours à l’atelier, en mer ou claquemuré chez lui dans l’île. On l’a observé, surveillé, surtout les vieilles : rien, totalement cool, net, propre...

Il a décidé de mettre fin à ses activités et a partagé tout le chantier avec ses neuf compagnons en forme de société coopérative ; chacun une part. Sa succession elle sera assurée, tous sont d’accord, par le plus jeune de l’équipe qui n’a que dix ans d’expérience mais sa jolie médaille de meilleur ouvrier de France. Ça vaut tous les diplômes !

Le soleil commence à pencher vers l’Amérique. Tout à l’ heure, les petits nuages qui paressent dans le bleu du ciel vont se charger d’incandescence, virer au rouge, au cramoisi, au violet et la crête des vagues s’emplumer d’aigrettes oranges.

Assis sur un rocher plat devant sa chaumière, les jambes balançant au-dessus de l’insondable abime dont les parois font rejaillir les vagues en gerbes d’écume ; pensez, un creux  de presque trois mètres !

Le soleil projette une ombre démesurément longue à ses côtés... Elle s’assied sans un mot.

Il tourne la tête et la dévisage, une jolie dame dans ses âges :

  • On s’est connu, non ? Je veux dire, il hésite, bibliquement.
  • Merveilleux souvenirs, poussiéreux, envahis par les toiles d’araignées.
  • « La pendule, vieille souris, grignote un morceau de nuit »
  • ? Comprend pas !
  • Rien, une très ancienne chanson de mômes.
  • J’ai deux garçons que je vois rarement : visites à la va-vite , un coup de fil de loin en loin : C’est moi, tu vas bien ? Bon à plus, c’est raccroché !
  • Je suis grand-mère : deux garçons, deux filles ; terminé. Je les connais à peine. Quand on se voit dix heures par an on se connait pas !

  Je suis veuve aussi.

  • Je sais.
  • Il a voulu aller chercher la vague de tous ses rêves jusqu’en Polynésie. Il l’a trouvée, l’a mariée ; elle l’a gardé !

Tu veux m’épouser ? Avec du pot on aurait encore vingt ans ensemble.

  • Pour faire quoi ?
  • Je viens de le dire : être ensemble.
  • Sans intérêt ! Mais tu peux t’acheter, ou louer, une maisonnette dans l’île. On se fera des visites pour boire un thé. De temps en temps on ira promener sous les arbres dans les chemins creux. On pourra même aller jusqu’au phare à l’autre bout de l’île pour voir se coucher le soleil du haut de la falaise. Bref en petit ce que tu aurais pu faire avant en grand.
  • Avant ?
  • Tout ce gaspillage consternant ; logique mais consternant !>  Elle a un rapide sourire.
  • Tu avais cent fois raison, tort, mais cent fois raison. Je me suis offert un mari qui m’a mise dans une jolie maison avec des fleurs et tout et tout. Je lui ai fait deux enfants dont il était fier. Il a passé son temps dans son bureau ou sur ses vagues et j’ai vécue seule. Tout ce que tu me proposais, j’ai eu ; sans toi. Trop, beaucoup trop cher payé...

   Alors, tu m’épouse ?

Il hausse les épaules. Elle secoue la tête.

  • Je savais. Mais je voulais entendre. J’ai retenu un studio à Biarritz dans une résidence pour personnes vieillissantes, tous services, restauration, médecin, clinique, ambulance et cimetière à proximité ; le pied.

Elle se lève, se penche, l’embrasse comme on meurt. Disparue !

Ils sont tragiquement, définitivement seuls !

 

--------

 

 

 

 

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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 23:27

Le Livre : La Flémingyte aiguë de Léa Arthemise, paru aux Editions Kyklos en Septembre 2011 ; 117 pages ; ISBN 978-2918406-20-4    Prix public 14€

 

Le Pitch :

pastedGraphic.pdf

Cette critique a été rédigée Par Jacques Fourré (Jafou) auteur du blogue de edautojafou

(http://edautojafou.over-blog.com) pour le compte de : «les agents littéraires», http://www.les-agents-litteraires.fr

 

Si le titre a une signification précise, elle est bien cachée , genre ésotérique ! A moins qu’il ne recouvre l’incompétence et l’immobilisme des protagonistes face au déroulement des événements.

 

Outre, au tout début, la présence inexplicable d’un proctologue, ce roman est divisé en trois parties :  Un court prologue en italique titré  : l’Endormissement ; un corpus en douze chapitres d’écriture normale et un épilogue en deux chapitres à nouveau rédigé en italique et titrés : La Flémingyte aiguë et Épitaphe.

Cet ouvrage est une parodie (trop parodique) du roman policier de basse catégorie. Il se veut comique, drôle, plein d’humour. Atteint-il son but ? Je n’en suis pas certain ; il force trop. On sent à la lecture et c’est très dérangeant, que l’auteur en fait des tonnes pour être drôle.

Au premier abord, c’est frais, léger agréable et accrocheur. J’ai été piégé presque tout de suite d’autant que le texte est émaillé de très jolies formules , des trouvailles qui emportent l’adhésion.

Les parties en italique sont d’une part une présentation du personnage principal (si l’on peut dire), et la mise en situation d’un décor minimal ; d’autre part la conclusion de «la pièce». Le corpus n’est qu’un rêve de notre personnage encadré par les deux autres éléments. Il donne prétexte à la présentation d’un éventail de personnages ridicules et ridiculisés, certains empruntés à des séries vidéo (fictives ?), qui déambulent et parlent dans le vide, sans rien faire face à des séquences qui se voudraient dramatiques : flics, journaliste, photographes, concierge, livreur de pizzas et chevalier médiéval. Il faut y ajouter une assistante de vie et une conjointe veuve, plus veuve et encore veuve ! 

Le style est alerte, la construction satisfaisante la rédaction propre et sans fautes. Ceci dit c’est un style très personnel facilement surréaliste aboutissant parfois à des moments de confusion voir d’incohérence. C’est très probablement volontaire. Et la fin baigne en plein délire.

Par moment j’ai eu l’impression de naviguer entre des sketchs de Pierre Dac et le film Hellzapoppin !

Globalement j’ai trouvé l’idée excellente, le traitement moins assuré et à la longue je me suis presque ennuyé (presque). Heureusement ce livre est court.

Enfin de compte il nous raconte le rêve complètement déjanté d’une poivrote rétamée au gin qui se croit dans un jeu de l’oie ou de nain jaune ascendance scène de crime mixé avec quelques jeux vidéos et un désir obsédant de voyage au Mexique.

Quelques citations de formules heureuses :

Page 11- L’odeur sèche du bitume aspergé de jus d’atmosphère brûle les poumons...

Page 13- Il ne reste d'Henri que sa réduction biblique à l’état de cendres soigneusement entassées dans une urne en porcelaine fine.../...sur le meuble où l’on range les alcools forts et les digestifs.

Page 14- ...elle adorait.../...les dauphins qui parlent et sauvent le monde à coup de nageoires avec une audace époustouflante. Ça lui donnait envie de pleurer, alors elle se tournait vers Henri dans son bocal sur le buffet des alcools. La cheminée et l’éthanol. L’association des deux la réconfortait.

Et s’il fallait mettre une note ? Après hésitation ce serait 3 1/2 sur 5.

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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 23:22

J'ai lu, Ce que j'en pense (3)

Le titre : Le Bois des Hommes de Fabrice Loi  aux Éditions Yago

ISBN -epub 978―2-916209-94-4

PDF Web- 278-2-916209-95-1

 

Bon titre mais pas assez représentatif : À lire au second degré, fait symboliquement référence à la noblesse et à la flexibilité souple du bois.

Pas de fautes

Bon choix des mots et bonne construction : Parfaitement maitrisée dans un style moderne

Phrases Parfois un peu longues sans nuire à l'intérêt.

La lecture est limpide parfois touffue ; ne pas lire en dilettante. Elle suscite de fortes émotions totalement justifiées. Il n’y a pas à proprement parler d’intrigue mais une trame linéaire forte. Les descriptions sont bonnes ; on s’y voit et surtout on s’y sent et les personnages sont hélas totalement crédibles.

Le style comprend forcément des éléments sociologiques vu le thème dominant mais également une atmosphère romanesque : c’est d’abord une histoire d’hommes (s) révollté (s).

L'ensemble est agréable à lire et intéressant, oh combien ! Les meilleurs moments du livre sont trop nombreux pour pouvoir être isolés. Les points les plus forts sont peut-être les séquences traitant du travail intérimaire à Paris ; les moments d’amitié au Mali; les phases désespérées d'incommunicabilité avec ses femmes.

 

Conclusion :

Le premier contact avec ce texte très dense donne à penser que l'on a affaire à un soixante-huitard qui aurait depuis, cinquante ans durant réfléchi à la condition humaine en observant au ras des pâquerettes le déroulement, l'effilochage de la vie sociale, professionnelle, économique et internationale. Il y a probablement dans ce texte des éléments autobiographiques.

L'auteur (son héros) me fait penser à un mien ami, Normalien, docteur es-lettres, et agrégé d'histoire qui après un an d'enseignement a tout envoyé promené en 1969 et s'est reconverti dans la vente de friperie sur les marchés !

C'est un livre par moment éprouvant et désespérant, sans outrances, ni voyeurisme, à lire absolument. Probablement l'un des meilleurs romans/récits de la rentrée littéraire, Plusieurs thèmes en fait s'y juxtaposent :

Au travers du personnage principal et de ses femmes aussi paumées que lui mais tous d'origine bourgeoise et nantis de diplômes, sauf la dernière, noire, malienne et excisée nous accompagnons l'errance (Paris, l'Espagne, Marseille, Bamako), la quête d'un homme “destroy” qui ne coure après rien mais  voudrait une société solidaire et simple, le bonheur, l'amour, la dignité, n'y croit pas (plus) et jette sur le monde de son époque un regard désabusé, indigné mais aussi résigné par moment. 

Il dit de la mondialisation et de ses méfaits pervers que c'est la “centrifugeuse” qui transforme la planète en un jus unique, infâme et modulable au profit d'une seule mafia minuscule richissime, privée ou étatique ; même génome, même combat : la mise en esclavage des autres !

Le portrait d'un monde déliquescent qui porte vêtements élégants, parfums couteux et dessous chics mais pue horriblement quand on descend dans ses sous-sols où grouille la misère et les tentatives de survie de dizaines de millions d'homme.

Un mouvement de bascule avec de très nombreux flash-back entre la vie à Paris, surface et surtout underground et en Afrique ; Bamako, Mali qui sous une re-colonisation rampante et Chinoise, renouvelle en pire toutes les “erreurs” du colonialisme français conduisant les populations à une identification (mondialiste) des deux villes entre elles.

Notre Héros, Yvan fil rouge du roman, ancien professeur déstabilisé, devenu par goût charpentier, intérimaire cultivé, joueur “habité” de saxophone, obsédé par sa volonté de trouver le bonheur introuvable, dépressif mais épouvantablement lucide, nous brosse un tableau hallucinant, une photo du nouvel esclavagisme mondial, prise au ras du sol au ras des hommes et de leurs misère merveilleusement exploitée au nom du dieu argent et de ses diacres le pouvoir et la puissance. Il nous montre aussi très bien les incompatibilités culturelles entre mentalité chinoise bien conditionnée et mentalité occidentale (surtout française). Il nous dit, quand semble s'achever son errance, purifié, que Marseille est un Chaos multiculturel, canaille et corrompu mais superbe et que en définitive “la musique est l'ultime apaisement”.

Un livre à acheter et lire absolument pour lui faire la place qu'il mérite. Attention s'il vous reste des capacité d'indignation et du sens moral, vous n'en ressortirez pas totalement intact.

                                                                           Jafou

 

 

Lecture critique réalisée par Jafou et déjà publiée sur le blog de jafou http://edautojafou.over-blog.com

 

Le titre : Le Bois des Hommes de Fabrice Loi  aux Éditions Yago

ISBN -epub 978―2-916209-94-4

PDF Web- 278-2-916209-95-1

 

Bon titre mais pas assez représentatif : À lire au second degré, fait symboliquement référence à la noblesse et à la flexibilité souple du bois.

Pas de fautes

Bon choix des mots et bonne construction : Parfaitement maitrisée dans un style moderne

Phrases Parfois un peu longues sans nuire à l'intérêt.

La lecture est limpide parfois touffue ; ne pas lire en dilettante. Elle suscite de fortes émotions totalement justifiées. Il n’y a pas à proprement parler d’intrigue mais une trame linéaire forte. Les descriptions sont bonnes ; on s’y voit et surtout on s’y sent et les personnages sont hélas totalement crédibles.

Le style comprend forcément des éléments sociologiques vu le thème dominant mais également une atmosphère romanesque : c’est d’abord une histoire d’hommes (s) révollté (s).

L'ensemble est agréable à lire et intéressant, oh combien ! Les meilleurs moments du livre sont trop nombreux pour pouvoir être isolés. Les points les plus forts sont peut-être les séquences traitant du travail intérimaire à Paris ; les moments d’amitié au Mali; les phases désespérées d'incommunicabilité avec ses femmes.

 

Conclusion :

Le premier contact avec ce texte très dense donne à penser que l'on a affaire à un soixante-huitard qui aurait depuis, cinquante ans durant réfléchi à la condition humaine en observant au ras des pâquerettes le déroulement, l'effilochage de la vie sociale, professionnelle, économique et internationale. Il y a probablement dans ce texte des éléments autobiographiques.

L'auteur (son héros) me fait penser à un mien ami, Normalien, docteur es-lettres, et agrégé d'histoire qui après un an d'enseignement a tout envoyé promené en 1969 et s'est reconverti dans la vente de friperie sur les marchés !

C'est un livre par moment éprouvant et désespérant, sans outrances, ni voyeurisme, à lire absolument. Probablement l'un des meilleurs romans/récits de la rentrée littéraire, Plusieurs thèmes en fait s'y juxtaposent :

Au travers du personnage principal et de ses femmes aussi paumées que lui mais tous d'origine bourgeoise et nantis de diplômes, sauf la dernière, noire, malienne et excisée nous accompagnons l'errance (Paris, l'Espagne, Marseille, Bamako), la quête d'un homme “destroy” qui ne coure après rien mais  voudrait une société solidaire et simple, le bonheur, l'amour, la dignité, n'y croit pas (plus) et jette sur le monde de son époque un regard désabusé, indigné mais aussi résigné par moment. 

Il dit de la mondialisation et de ses méfaits pervers que c'est la “centrifugeuse” qui transforme la planète en un jus unique, infâme et modulable au profit d'une seule mafia minuscule richissime, privée ou étatique ; même génome, même combat : la mise en esclavage des autres !

Le portrait d'un monde déliquescent qui porte vêtements élégants, parfums couteux et dessous chics mais pue horriblement quand on descend dans ses sous-sols où grouille la misère et les tentatives de survie de dizaines de millions d'homme.

Un mouvement de bascule avec de très nombreux flash-back entre la vie à Paris, surface et surtout underground et en Afrique ; Bamako, Mali qui sous une re-colonisation rampante et Chinoise, renouvelle en pire toutes les “erreurs” du colonialisme français conduisant les populations à une identification (mondialiste) des deux villes entre elles.

Notre Héros, Yvan fil rouge du roman, ancien professeur déstabilisé, devenu par goût charpentier, intérimaire cultivé, joueur “habité” de saxophone, obsédé par sa volonté de trouver le bonheur introuvable, dépressif mais épouvantablement lucide, nous brosse un tableau hallucinant, une photo du nouvel esclavagisme mondial, prise au ras du sol au ras des hommes et de leurs misère merveilleusement exploitée au nom du dieu argent et de ses diacres le pouvoir et la puissance. Il nous montre aussi très bien les incompatibilités culturelles entre mentalité chinoise bien conditionnée et mentalité occidentale (surtout française). Il nous dit, quand semble s'achever son errance, purifié, que Marseille est un Chaos multiculturel, canaille et corrompu mais superbe et que en définitive “la musique est l'ultime apaisement”.

Un livre à acheter et lire absolument pour lui faire la place qu'il mérite. Attention s'il vous reste des capacité d'indignation et du sens moral, vous n'en ressortirez pas totalement intact.

                                                                           Jafou


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18 janvier 2012 3 18 /01 /janvier /2012 12:59

Les Éditions du syllabaire viennent de rééditer en E-Book (sur Apple et le Kindle Amazon) mon roman "Comme un vol d'éphémères. L'édition papier presque épuisée est vendue par moi-même (auto-édition).

4è de couverture

 

Bretagne,1939- Jacques et Martine (9 et 8 ans) font connaissance sur une plage du Finistère ignorée de tous. Puis ils se perdent par la faute d’une guerre abominable.

Treize ans plus tard Jacques est empli d’une allégresse jubilatoire ; pensez, jeune écrivain, un premier roman et l’impensable : un prix Goncourt. Une ombre à son bonheur : le souvenir sporadique mais lancinant d’une petite fille brune sur une minuscule plage...

Le destin regarde en riant au bout de sa lorgnette. Le destin leur brode une vie de bonheur et de félicité. Le destin est sadique !

Autour d’eux, un hobereau désargenté, un gendarme, un barde, un recteur, un maire communiste, un paysan poète et ivrogne constituent le premier cercle d’amis.

Alentour, la mer, la Côte des vents, le Pays du foin ( Fouesnant ) constituent un féerique et fascinant décor où même les mouettes ont appris à crier le nom de Martine.

Caché derrière l’Ankou, le destin se délecte...

 

 

1 Critique :

 

Un livre nostalgique d'une époque, certainement celle de l'auteur ou des ses parents et d'une région qu'il connait par le cœur,
 la Bretagne. L'air de rien, cette chronique légère et aimable, style « vie quotidienne insoucieuse » dans un milieu aisé,

bifurque vers la tragédie. Une tragédie familiale, comme il en arrive, un coup du sort qui atteint le héros, jusqu'ici trop brillant,

trop chanceux, trop bon, trop lisse. Cette histoire est traitée avec beaucoup de retenue, de sobriété, de justesse.


Modou, le Syllabaire  03-01-2012

Jacques Fourré

       Comme un vol d'éphémères 

 

                   Roman                                                               

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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 16:49

Le titre : Le Bois des Hommes de Fabrice Loi  aux Éditions Yago

ISBN -epub 978―2-916209-94-4

PDF Web- 278-2-916209-95-1

 

Bon titre mais pas assez représentatif : À lire au second degré, fait symboliquement référence à la noblesse et à la flexibilité souple du bois.

Pas de fautes

Bon choix des mots et bonne construction : Parfaitement maitrisée dans un style moderne

Phrases Parfois un peu longues sans nuire à l'intérêt.

La lecture est limpide parfois touffue ; ne pas lire en dilettante. Elle suscite de fortes émotions totalement justifiées. Il n’y a pas à proprement parler d’intrigue mais une trame linéaire forte. Les descriptions sont bonnes ; on s’y voit et surtout on s’y sent et les personnages sont hélas totalement crédibles.

Le style comprend forcément des éléments sociologiques vu le thème dominant mais également une atmosphère romanesque : c’est d’abord une histoire d’hommes (s) révollté (s).

L'ensemble est agréable à lire et intéressant, oh combien ! Les meilleurs moments du livre sont trop nombreux pour pouvoir être isolés. Les points les plus forts sont peut-être les séquences traitant du travail intérimaire à Paris ; les moments d’amitié au Mali; les phases désespérées d'incommunicabilité avec ses femmes.

 

Conclusion :

Le premier contact avec ce texte très dense donne à penser que l'on a affaire à un soixante-huitard qui aurait depuis, cinquante ans durant réfléchi à la condition humaine en observant au ras des pâquerettes le déroulement, l'effilochage de la vie sociale, professionnelle, économique et internationale. Il y a probablement dans ce texte des éléments autobiographiques.

L'auteur (son héros) me fait penser à un mien ami, Normalien, docteur es-lettres, et agrégé d'histoire qui après un an d'enseignement a tout envoyé promené en 1969 et s'est reconverti dans la vente de friperie sur les marchés !

C'est un livre par moment éprouvant et désespérant, sans outrances, ni voyeurisme, à lire absolument. Probablement l'un des meilleurs romans/récits de la rentrée littéraire, Plusieurs thèmes en fait s'y juxtaposent :

Au travers du personnage principal et de ses femmes aussi paumées que lui mais tous d'origine bourgeoise et nantis de diplômes, sauf la dernière, noire, malienne et excisée nous accompagnons l'errance (Paris, l'Espagne, Marseille, Bamako), la quête d'un homme “destroy” qui ne coure après rien mais  voudrait une société solidaire et simple, le bonheur, l'amour, la dignité, n'y croit pas (plus) et jette sur le monde de son époque un regard désabusé, indigné mais aussi résigné par moment. 

Il dit de la mondialisation et de ses méfaits pervers que c'est la “centrifugeuse” qui transforme la planète en un jus unique, infâme et modulable au profit d'une seule mafia minuscule richissime, privée ou étatique ; même génome, même combat : la mise en esclavage des autres !

Le portrait d'un monde déliquescent qui porte vêtements élégants, parfums couteux et dessous chics mais pue horriblement quand on descend dans ses sous-sols où grouille la misère et les tentatives de survie de dizaines de millions d'homme.

Un mouvement de bascule avec de très nombreux flash-back entre la vie à Paris, surface et surtout underground et en Afrique ; Bamako, Mali qui sous une re-colonisation rampante et Chinoise, renouvelle en pire toutes les “erreurs” du colonialisme français conduisant les populations à une identification (mondialiste) des deux villes entre elles.

Notre Héros, Yvan fil rouge du roman, ancien professeur déstabilisé, devenu par goût charpentier, intérimaire cultivé, joueur “habité” de saxophone, obsédé par sa volonté de trouver le bonheur introuvable, dépressif mais épouvantablement lucide, nous brosse un tableau hallucinant, une photo du nouvel esclavagisme mondial, prise au ras du sol au ras des hommes et de leurs misère merveilleusement exploitée au nom du dieu argent et de ses diacres le pouvoir et la puissance. Il nous montre aussi très bien les incompatibilités culturelles entre mentalité chinoise bien conditionnée et mentalité occidentale (surtout française). Il nous dit, quand semble s'achever son errance, purifié, que Marseille est un Chaos multiculturel, canaille et corrompu mais superbe et que en définitive “la musique est l'ultime apaisement”.

Un livre à acheter et lire absolument pour lui faire la place qu'il mérite. Attention s'il vous reste des capacité d'indignation et du sens moral, vous n'en ressortirez pas totalement intact.

                                                                           Jafou

S'il faut mettre une note, ce sera 5/5
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25 septembre 2011 7 25 /09 /septembre /2011 15:38

UNE HISTOIRE EXEMPLAIRE

 

Il y a quelques temps, j’assistais à une séance de signature dans une grande librairie de ma zone géographique.

L’auteur d’un premier livre, une très jolie quarantaine, mère de famille en poste culturel à la mairie d’une très, très, très grande ville de France nous exposa avec infiniment d’humour la genèse de l’édition de son ouvrage.

 

Ce livre, dit-elle est en grande partie autobiographique car il met en scène une très vieille dame, mon arrière-grand-mère, centenaire en train de quitter ce monde et moi-même toute jeune mère de famille venue par devoir, affection et curiosité vivre avec elle ces derniers instants si importants.

Je n’en suis pas, bien entendu, le personnage vedette mais son miroir légèrement impertinent. C’est pourquoi je n’utilise le terme «autobiographie» qu’avec circonspection et un peu de gène car si j’ai tenté de penser et parler à la place de mon héroïne mourante, je n’ai pu, c’est bien évident pénétrer réellement son cerveau...../....

 

De fait ce livre, peu épais, en dépit de la gravité du propos, se révèle alerte, très bien écrit en phrases courtes et percutantes, plein d’émotion, de poésie et ma foi, assez drôle !

Il fait partie des œuvres en exergue de la rentrée littéraire.

 

°°°°°°°°°°°°°

 

Je fais comme Racine, référence aux Plaideurs :

Chicaneau

Voici le fait. Depuis huit ou dix ans en ça......../.....

 

°°°°°°°°°°°°°°

 

......./........J’ai rédigé le manuscrit de ce livre il y a maintenant onze ans. Naïve et confiante je l’ai fait parvenir à une maison d’édition ayant à Paris pignon sur rue et réputation de découvreur d’auteurs sinon de talents. Cinq mois plus tard je recevais une lettre aimablement impersonnelle me disant que mon travail ne manquait pas de mérite mais qu’il ne s’inscrivait malheureusement pas dans l’actuelle ligne éditoriale de la maison. Pourquoi s’offusquer ou s’inquiéter ? N'étais-ce pas normal qu’un éditeur veuille conférer un certain style à ses collections romanesques ?

Sans me décourager je contactais une autre maison qui mit six mois à me répondre me réclama un chèque pour les frais de retour de mon manuscrit et me confirma que celui-ci n’entrait hélas pas dans sa ligne éditoriale. La similitude des deux lettres reçues m'intrigua et je me renseignais pour savoir si par hasard l’une des maison n’était pas discrètement filiale de l’autre. Il n’en était rien et le mystère demeura.

Au cours des six années suivantes je me fis jeter seize fois par chaque éditeur contacté et reçu seize lettres toutes semblables à quelques variations près et me confirmant chaque fois que mon manuscrit ne correspondait pas à la ligne éditoriale qui était la leur. Tous me réclamèrent des frais de retour du manuscrit ! Naïve peut-être mais un temps seulement j’en ai conclu que l’Édition Française était une Maffia où tous se serraient les coudes, parlaient et écrivaient d’une seule voix et ne déroulait le tapis rouge que devant une signature garantissant d’avance un retour sur investissement d’au moins cinquante mille exemplaires vendus. S’y ajoutaient quelques miraculés et quelques bons jeunes auteurs dûment pistonnés, fils de Cardinaux ou de Présidents.

Peut-être, à l’instar des bons vins de garde, les manuscrits littéraires gagnent-ils à vieillir à l’abri du soleil et dans la température constante et sombre d’un tiroir oubliette.

Je ne sais trop mais le mien murissait ainsi depuis six ans et toujours aussi combatives pour mon aïeule maintenant décédée, je décidais de retourner dans l’arène.

Je finis par trouver une petite maison d’édition du Languedoc qui enfin, s’intéressa à mon manuscrit et décida de l’éditer honnêtement à compte d’éditeur, sans chausse-trappe ! Ils m'établirent une très belle couverture  et firent l’impossible pour faire naitre ce capricieux objet. Au bout de trois ans ils renoncèrent considérant qu’ils courraient à la faillite. Cette fois, c’en était trop et j’abandonnais !

J’avais à Paris une amie très chère à qui j’avais remis un exemplaire du manuscrit juste pour satisfaire sa curiosité. Me trouvant brièvement de passage dans la capitale je lui téléphonais pour organiser une rencontre et elle me fixa rendez-vous dans un de ces cafés un peu intello de la jungle culturelle. Nous passâmes deux heures délicieuses ensemble et elle profita de cette rencontre pour me restituer le livre maudit.

Quand nous nous quittâmes, stupidement, je l’oubliais sur la table et n’y pensais plus.

 

Le gérant du bar se piquait de belles-lettres et d’un goût certain pour les arts en général. Il trouva le manuscrit, le rangeât et un soir de désœuvrement en entreprit la lecture. Il fut conquis et connaissant beaucoup de monde dans la faune qui hantait le lieu, il le confia pour avis à un client ami, directeur de collections chez l’une des plus anciennes et prestigieuses maisons d’édition parisiennes.

 

J’étais partie en vacances retrouver mes enfants dans ma province natale quand stupéfaite je reçu un mail de deux pages sous en-tête de la dite prestigieuse maison d’édition me disant son enthousiasme à la lecture de mon manuscrit et son désir urgent de signer avec moi un contrat d’édition en bonne et due forme. Choquée, interloquée de savoir ainsi ma production littéraire en libre circulation dans les rues parisiennes je repris mon bâton de pèlerin et regagnait la Capitale. Tout alla très vite. Ce livre sort en librairie dans trois jours ; mais diffusé en avant première quarante mille exemplaires sont déjà vendus et moi, je signe des dédicaces à tour de bras sans très bien intégrer ce qui m’est arrivé. 

C’est bien vrai qu’on vit une époque merveilleuse !

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